Mes souvenirs, les petits cailloux sur le chemin de ma vie.
« Souvenirs, souvenirsVous revenez dans ma vieIlluminant l’avenirLorsque mon ciel est trop grisOn dit que le temps vous emporteEt pourtant ça, j’en suis certainSouvenirs, souvenirsVous resterez mes copains »
Johnny Hallyday 🙂
Souvenirs, ce qui revient à l’esprit de nos expériences passées, des images que l’on garde au fond de soi…
Une année vient de s’achever, une nouvelle s’ouvre à nous, on a fait des bilans, des vœux. Je viens également de souffler une nouvelle bougie. Bref, une période où le passé se mélange à l’avenir.
Aujourd’hui, je veux prendre pleinement conscience que mes souvenirs sont bien sûr mon passé, mais aussi mon présent et pourquoi pas parties prenantes de mon avenir. C’est la thèse développée par mon philosophe/écrivain chouchou (je comprends tout ce qu’il dit) Charles Pépin. J’ai assisté il y a quelques semaines à un de ses spectacles/conférences donnés à l’occasion de la sortie de son dernier ouvrage Vivre avec son passé, une philosophie pour aller de l’avant (Allary Éditions) qui m’a beaucoup inspiré pour la rédaction de ce post.
Souvenirs.
« La vie, ce n’est pas ce que l’on a vécu , mais ce dont on se souvient. »
Gabriel Garcia Marquez.
Je suis une fétichiste des souvenirs. J’aime les « concrétiser ». J’adore les photos (que je développe) qui sont mes aide-mémoire. Je continue, inlassablement, à enrichir mes albums photos (près d’une vingtaine), j’ai un mur entier de clichés divers (famille, lieux..) chez moi. J’ai ma petite boite remplie de quelques petits objets plein de significations.
Je vous avais présenté quelques objets « fétiches »dans ce post : S’alléger ou accumuler.
J’avais aussi une collection de sables des plages que j’avais foulées et je volais systématiquement dans les hôtels le panneau « Ne pas déranger ». Ils ne m’ont pas suivi lors de mon déménagement.
Car paradoxalement, je n’aime pas accumuler trop de choses. J’ai peu d’objets de déco. Je fais régulièrement des tris de ce qu’il risquerait de m’encombrer.
Peut-être pour me vider la tête? Car, niveau mémoire, je crains parfois le trop plein. Plus j’avance en âge, plus j’accumule les souvenirs, vais-je avoir assez de place pour tous les garder ?
Sans parler de la maladie qui nous terrorise tous, Alzheimer. Depuis mes 45/50 ans, je suis à deux doigts de prendre rendez-vous chez un neurologue dès que je cherche mes clefs plus de 5 minutes.
Il est vrai que certains événements du passé deviennent flous. Alors, j’aime bien l’idée de réminescences. Qui seraient des souvenirs pas toujours identifiés comme tels. Ils sont imprécis, c’est plutôt une tonalité affective, une émotion qui dominent. Survit dans notre mémoire, une sensation, une impression, un ressenti. C’est la fameuse madeleine de Proust.
Et Charles Pépin finit de me rassurer sur le fait que ma mémoire n’est pas qu’un simple espace de conservation risquant la saturation.
« … Nous savons aujourd’hui, grâce aux progrès des neurosciences, qu’elle est bien plus que cela : notre mémoire est complexe, mouvante le cœur battant de notre cerveau défini lui-même par sa plasticité, sa capacité à se remodeler sans cesse, à créer en continu de nouvelles connexions neuronales. Cette nouvelle conception de la mémoire établie par les sciences cognitives d’aujourd’hui bat en brèche l’ancienne représentation de nos souvenirs : ils ne ressemblent en rien à des donnés enregistrées sur un disque dur. Eux aussi sont vivants ; ils sont régulièrement rappelés, renforcés, consolidés, parfois même recréées, voire imaginés. »
J’adore encore plus cette idée que l’on peut se recréer des souvenirs. En vrai, il n’y a pas de souvenir objectif. Il est toujours une reconstruction, la frontière entre la mémoire et l’imagination étant impossible à tracer avec précision.
Qui n’embellit pas, n’enrichit pas une histoire à force de la raconter? Alors, soyons, parfois, un peu mythos si cela peut nous faire du bien.
Notre passé est notre présent.
Longtemps, j’ai cherché à « m’écarter » de celle avec laquelle j’avais grandi. Je cherchais à régler des comptes avec mon enfance, réparer certaines choses ou revenir sur des mauvais choix. Bref, je voulais changer, mieux me connaître… Dans ce but, j’ai enrichi bon nombre de thérapeutes en tous genres.
En vain.
Vouloir se couper de son passé ne permet pas d’aller de l’avant (bien sûr, je ne parle pas de ceux qui ont vécu des choses particulièrement douloureuse). Je préfère aujourd’hui, prendre appui dessus.
Charles Pépin explique dans son livre que l’on ne cesse grâce/à cause du développement personnel d’avoir pour but de trouver (il serait temps:)) son vrai soi. Alors qu’il est constitué de tout ce que l’on a été. Et pour lui, nos souvenirs sont des aperçus sur le long cheminement qui nous a conduit à qui nous sommes aujourd’hui. Comme des indices de la manière dont nous sommes devenus aujourd’hui cette personne.
Mes souvenirs sont en fait des informations qui m’éclairent, me guident et dirigent mes comportements actuels futurs.
« Tout ce que nous sommes, nos qualités comme nos défauts, nos goûts et nos dégoûts, nos rêves et ambitions, mais aussi nos peurs, nos angoisses, nos joies comme nos peines, notre vision du monde, et bien sûr nos habitudes : tout cela procède de notre passé. Et en tout cela, notre passé est présent. On le croyait derrière nous : il ne cesse de nous faire signe…. Notre mémoire n’est pas seulement le réceptacle de notre itinéraire de vie, susceptible d’éclairer nos comportements, nos réactions, nos émotions. Nos souvenirs fondent la conviction que la personne qui a vécu tous ces événements est bien identique à celle qui se souvient, ils fondent la conscience d’une identité qui perdure. » Charles Pépin.
Je suis aujourd’hui riche de mes 20, 30, 40, 50 ans. Je suis toujours cette gamine de 8 ans qui passait le week-end chez sa grand-mère à regarder des émissions de variétés, cette jeune fille 15 ans qui ne pouvait rien faire sans le raconter à sa meilleure amie, cette jeune femme de 27 qui bossait dans la pub, cette maman de 34 as qui accouchait de son premier enfant, cette femme qui fête ses 40 ans dans un cabaret de Chippendales, cette quinqua qui crée son blog.
L’art de se souvenir des belles choses.
« Il semble qu’il existe dans le cerveau une zone tout à fait spécifique qu’on pourrait appeler mémoire poétique et qui enregistre ce qui nous a charmés, ce qui nous a émus, ce qui donne à notre notre vie sa beauté. »
Cet art consisterait à permettre à notre passé, à nos souvenirs d’embellir notre présent.
On associe souvent la nostalgie à quelque chose de triste. Alors que littéralement, elle signifie juste penser au passé. Elle devient mélancolie quand on tombe dans le regret, le sentiment de perte (à l’époque, j’étais plus jeune, plus en forme, plus jolie, plus insouciante…).
Et nous avons une tendance à ressasser ce qui ne s’est pas bien passé plutôt que de faire remonter les belles choses.
Alors pour « ressentir la félicité des douces réminiscences », il faut faire un petit effort.
» … Il nous faut être pleinement présents dans l’instant, s’y abandonner, capables d’accueillir ce qui surgit pour libérer l’accès à notre passé…. Toujours inquiets, préoccupés des choses à venir, ou ressassant l’hier malheureux, nous sommes à la fois moins présents maintenant et moins disponibles à ces retours d’un passé réconfortant et stimulant; en somme, nous sommes à la fois moins présents au présent et au passé… ». Charles Pépin.
Perso, j’aime aussi anticiper mes souvenirs, imaginer le plaisir qu’ils me procureront quand j’y repenserai. J’ai besoin de faire des choses, des voyages qui, je le sais, vont nourrir joyeusement ma mémoire. C’est aussi une façon de ne pas laisser filer le temps trop vite comme je l’avais expliqué dans ce post. Mais pourquoi le temps passe plus vite à mesure que l’on vieillit.
Et puis, lorsque j’ai vécu le deuil de mon mari, j’ai tellement entendu que le temps allait adoucir ma peine. Non, ma peine est toujours bien là, bien sûr moins intense. Mais, avec le temps, j’ai vécu de nouveaux moments heureux, j’ai « construit » d’autres souvenirs pouvant « diluer » les mauvais.
Je laisse donc la conclusion à Charles Pépin :
« … Ainsi ce dialogue patient et créatif avec notre passé est-il une méthode pour bien vieillir, à quatre-vingt-dix ans comme à soixante ou même à trente? Tout au long de notre vie en réalité, notre passé gonflant à chaque pas en avant pour mieux nous propulser vers l’avenir. Il en va de nos articulations comme de nos manières de penser : plus on s’assouplit, mieux on vieillit. Et je dois avouer qu’en commençant à travailler sur ce livre, en me plongeant dans la philosophie bergsonienne de la mémoire et dans les travaux des neuroscientifiques, je ne me doutais pas que j’écrirais pour se protéger de ce qui nous menace tous, un petit traité pour ne pas devenir un vieux con.«
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