Un enfant adulte, c’est juste un enfant plus vieux ?
Enfant et adulte, une antinomie en fait.
Puis-je encore parler « d’enfants » alors que mon fils et ma fille ont plus de 25 ans? Ils ne le sont plus depuis bien longtemps. Le dico me rassure : oui dans le sens « d’êtres humains à l’égard de leur filiation« . Ouf ! Je me vois mal les appeler « mes descendants » encore moins ma « progéniture ». Dans mes conversations avec mes amis, tout le monde continue à dire : « Et, tes enfants, comment vont-ils ? ou affirmer : « Les enfants viennent ce week-end« . Même s’ils arrivent mal rasés ou au volant de leur voiture. Et certains ont même des enfants/parents !
C’est d’ailleurs mes deux posts sur les grands-mères (Zaza, mamie Vi, Lalie et Mamouz, moun,minou) qui m’ont fait réfléchir sur le fait d’avoir des enfants devenus adultes. Ce qui va évidemment bien au-delà qu’un simple problème de linguistique
Des adultes mais toujours mes bébés.
C’est quand même vraiment difficile de les voir grandir. Et si vite.
En un claquement doigt, ils ne sont plus ceux que je pouvais câliner en les couvrant de baisers. Une distance physique s’est logiquement établie. J’aimerais tant pouvoir toujours les prendre dans mes bras (j’y arrive encore avec ma fille, je n’ose pas avec mon fils). Leur caresser la main quand ils me parlent…Ces moments de tendresse me manquent
Je sais que c’est totalement irrationnel, mais j’ai vraiment du mal à ne plus les considérer comme des mômes. Limite incapables d’être des adultes autonomes malgré des CV bien remplis.
Et j’ai peut-être encore plus peur pour eux que quand ils étaient petits. Finalement, le manque de contrôle direct sur leur vie rend cette inquiétude encore plus intense (je leur demande toujours de me téléphoner dès qu’ils font plus de 50km en voiture). Petits, j’avais peur qu’ils se fassent mal, aujourd’hui qu’ils aillent mal. Et plus de « bisou magique » pour apaiser leurs angoisses, leurs doutes, leurs chagrins !
Pourtant ma mission depuis leur naissance, à part les aimer inconditionnellement, a été justement de les accompagner jusqu’à l’âge adulte et d’en faire des êtres libres et indépendants. Mission accomplie ! Alors de quoi je me plains ?
Depuis plus de 28 ans, je suis avant tout une maman (même si j’ai eu une vie amoureuse, pro et sociale bien remplie). Mais je ne suis plus, aujourd’hui (et depuis un bon moment déjà) le centre de leur monde. Suis-je un peu jalouse de leur vie sans moi ? Oui, probablement un peu. Mais surtout un sentiment d’inutilité m’envahit au fil des années. Et il y a une chose sur laquelle je me sens totalement impuissante : qu’ils soient heureux. Cela a toujours été mon but. Avant, j’avais la possibilité de faire le maximum pour cela. Leur paquet de petits gâteaux préférés dans le placard, un cadeau tant attendu, regarder avec admiration leurs multiples petits « pestacles »… leur procuraient une joie pure.
Aujourd’hui, leur bonheur m’échappe. Même si je peux toujours à leur ton de voix, à leur langage non verbal, tout de suite sentir que quelque chose cloche.
On ne nous apprend pas à être parent. Mais on ne nous apprend pas non plus à ne plus l’être trop.
En fait, je suis en reconversion.
Je fais quoi maintenant ? Quel est mon rôle ? Quelle mère puis-je être avec eux aujourd’hui ? Laquelle veulent-ils ?
Je suis toujours sur le marché de la maternité en CDI et ne serai jamais à la retraite.
Mais la fiche de poste est bien différente. Il me faut trouver de nouvelles compétences (en abandonnant certaines) sans stage de reconversion :
- Apprendre à les lâcher (au sens propre comme une figuré.
- Trouver un nouvel équilibre entre proximité et respect de leur vie privée.
- Intégrer que je vais être de moins en moins être une priorité pour eux. Leur vie ne cesse de « se remplir ».
Je me souviens à quel point cela pouvait m’agacer parfois de devoir appeler ma mère (pourtant dès que j’avais un rhume ou mal quelque part, même à 40 balais, j’étais encore dans le « Allo maman, bobo ». Et ces déjeuners du dimanche chez mes beaux-parents à 12H30 à peine dessoûlée de la veille !
J’essaie de ne pas leur imposer cela. Par exemple, avec mon fils, je sais qu’il est plus simple et agréable pour lui que je vienne déjeuner près de son boulot. Tête à tête expédié en moins d’une heure, pas grave, je suis très reconnaissante de ce temps passé ensemble. Et parfois, j’organise des dîners à la maison pour aussi créer du lien avec sa chérie. Avec ma fille, c’est différent, elle vit encore avec moi. Je ne la vois pas beaucoup pour autant. Mais jamais je ne lui ferai le reproche de préférer dîner avec des amis ou dormir chez son amoureux. En revanche, celui de ne pas ranger sa chambre…
Le lien mère/enfants adultes évolue de façon subtile mais profonde.
Je ne suis plus là pour les guider mais pour les accompagner et les soutenir.
Cette nouvelle relation, d’adulte à adulte, est différente mais finalement tout aussi enrichissante et épanouissante.
Nos liens restent forts. Nous construisons une réelle complicité lors de moments choisis. Je ne me considère plus comme » le « sachant ». Enfin, j’essaie :). J’apprends aujourd’hui aussi beaucoup d’eux. Alors souvent j’écoute plus que je ne parle. J’accepte que je ne puisse pas avoir raison (ou en tous cas, je ne le dis pas). J’essaie d’être le moins intrusive possible dans leur vie privée (ne ne pas leur demander si cela se passe bien avec leurs amoureux alors que j’en meurs d’envie). Je ne donne pas de conseils sur leurs choix de vie sauf vraiment ils me le demandent. En général, juste pour avoir une approbation que les suivre d’ailleurs.
Alors qu’approche Noël, fête des enfants par excellence, nous nous envolerons tous les 3 pour Copenhague (dans 15 dodos). Et tant qu’ils seront heureux de cela, je serais la plus comblée des mamans.
On ne choisit pas sa famille. J’aimerais, aujourd’hui, être la mère qu’ils auraient pu choisir. Qu’ils aient toujours du plaisir à passer du temps avec moi. Que cela ne soit jamais une obligation.
Et le plus important : Qu’ils sachent que je les soutiendrai toujours et à quel point je suis hyper fière d’eux, de justement des adultes qu’ils sont devenus.
De toute façon, depuis qu’ils sont nés, ils sont les plus beaux, les plus intelligents, les plus en avance pour leur âge… Et je ne dis pas cela parce que je suis leur mère :).
« Ce n’est pas en tuant ses parents que l’on devient adulte, mais en tuant l’enfant de ses parents, une cible beaucoup plus difficile ».
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Quel bonheur de lire tes sentiments qui se calquent tellement sur ce que je ressens aujourd’hui, à la même période de la vie. Une fierté et toujours je trouve une surprise de découvrir ce que ton enfant devient, comment il construit sa vie, ses discussions plus profondes, plus adultes, qui nous apprend aussi beaucoup à nous, les petites mamams pour toujours. Très joli post, je vais le garder précieuse ment sur papier pour relire de temps en temps et me rappeler que je suis « normale » dans mon étonnement de la vie, de la roue qui tourne. Oui, parfois le manque d’affection physique, ça tord le bide… souvent… Mais ils sont beaux nos bébés. Même quand ils commencent une calvitie à moins de 30 ans ! Vive la vie Virginie.
Et même vive la vie, qui passe… si vite.
Hier un de mes fils m’a montré en avant-première première, la bague de fiançailles qu’il venait d’acheter pour sa chérie… et oui, la roue tourne, et s’ils restent à jamais nos enfants, on continue d’évoluer avec eux, dans nos bonheurs et nos peurs, sur les chemins de leur vie, tellement riches de belles surprises qui font croître notre admiration… comme lorsqu’ils ont lâché s notre main pour la première fois pour faire leur premier pas. Et il y a encore pleins de premiers pas, heureusement à partager avec eux… meme si il faut apprendre à garder une nouvelle distance…
Pour m’aider à ne pas etre tenter d’être trop trop près, je viens d’accueillir à la maison une jolie petite bête à poil de 4 mois maintenant qui m’occupe pleinement ! Une idée comme une autre.
Pascale
J’ai gardé le chien (le leur à la base) mais c’est toujours moi que m’en suis occupée.
MAGNIFIQUE !!!
Merci beaucoup
Je me reconnais tout à fait dans ces lignes. Et ca a été tellement difficile pour moi, car je n’ai qu’une fille, et elle a quitté « le nid » (avant 18 ans) au moment où je me suis séparée de son père. Je me suis sentie tellement désoeuvrée. Heureusement, elle n’habite pas loin, et j’apprécie beaucoup son compagnon. Mais j’essaie également de ne pas être intrusive.
Merci pour ce partage.
Très Important d’aimer le +1
Je ne me suis pas reconnue totalement, et je dois être chanceuse car je n’ai pas besoin de me mettre en retrait de leur vie, ce sont eux qui me sollicitent et communiquent beaucoup au quotidien. Limite ils me reprocheraient de ne pas prendre de leurs nouvelles assez souvent ! Ils sont restés très calins : Ma fille ainée (30 ans) continue à prendre des snifs dans mon cou (l’odeur de maman…) J’ai l’impression qu’ils me voient comme un filet de sécurité, ou un repère en cas de doutes, et ils en ont forcément beaucoup dans leur jeune vie d’adulte. Ce qui me parait plus difficile c’est de les conseiller face à des situations dans un contexte sociétal 10 fois plus dur et impitoyable envers les jeunes, que cela ne l’a été de mon temps. Et aussi de savoir qu’ils devront faire leurs expériences, parfois avec perte, fracas et larmes, que je ne manquerai pas d’essuyer, bien sûr !…
C’est sûr qu’ils vivent une époque bien plus difficile que la nôtre…
J’aime bien l’image du filet de sécurité. C’est tout à fait cela 🙂
Tableau 1 Toujours.
Elle m’appelle. De l’autre bout de la France. J’ai pas le moral viens passer deux jours. Mère de deux grands ados. Elle m’appelle quand ça ne va pas. On essaie d’oublier les mots blessants, les comportements terribles. Responsabilité. Culpabilité. De père. Je vais y aller.
Mon bébé a besoin de moi.
Tableau 2 Inversion.
Je rentre de l’hôpital. Il est là, le cadre sup très occupé, père de deux jeunes adultes. J’ouvre la bouche. Il me donne à boire. Il me fait manger. Le bébé c’est moi, le parent c’est lui. Retour des choses.
Doux et dur à la fois.
Tableau 3. Comme jadis.
Le quinqua a eu un accident de vélo. C’est moi qui dois le remmener chez lui. A la clinique, il faut le changer. Je lui enlève sa culotte, lui en mets une autre. Comme il y a bientôt cinquante ans. Quand c’était un bébé.
C’est vertigineux. Je souris.
Merci Jean-Pierre de nous donner masculin.C’est fort intéressant !