Enfant de 68 !

Dis-moi quel jeune tu as été, je te dirais (peut-être) quel vieux tu seras !

Mai 68 a 50 ans.

J’en ai un peu plus. Je n’en ai bien sûr aucun souvenir.

Mais je me sens vraiment une enfant de sa culture, de ses valeurs et des bouleversements profonds engendrés dans la société.

Puisqu’il était désormais interdit d’interdire, tout devenait possible…

Grâce à 68, j’ai grandi dans les mœurs libérées des années 70. J’ai eu 20 ans dans les joyeuses et dynamiques années 80.

  • J’ai pris « mes désirs pour des réalités car j’ai cru en la réalité de mes désirs ».
  • J’ai aimé Bambi, Mowgli, Snoppy et Corto Maltese.
  • Mes parents fumaient avec moi dans la voiture qui fonçait à plus de 180 rejoindre la côte d’azur où ma mère bronzait seins nus et moi sans crème solaire.
  • J’ai voulu être volontaire comme Scarlett O Hara tout en ayant la fragilité de Romy Schneider, la sensualité  de Claudia Cardinale après m’être entraînée des années à remuer mon nez comme Ma sorcière bien-aimée.
  • J’ai porté un sac kaki avec des jupes à fleurs, des salopettes, des pins, des vestes à épaulettes, des Tiags, des Converse…
  • Et des jeans de toutes les formes, de toutes les sortes. À pattes d’eph, à boutons, déchirés, avec des empiècements patchwork, cloutés, frangés…
  • J’ai chanté C’est une maison bleue devant un feu de camp avec Jean-Bapt à la guitare, simulé un orgasme sur le dance floor avec Dona Summer (Love to love you baby), hurlé « no future » avec The clash mais rêvé d’un autre monde avec Téléphone.
  • J’ai aimé la poésie de Rimbaud, Lautréamont, Prévert, Gainsbourg, Nougaro…
  • J’ai dansé des slows sur Hotel California, flirté avec Delpech, rocké avec Laurent Voulzy et parfois marché  » du côté obscur » avec Lou Reed (tou, tou tou, tou tou, tou...)
  • J’ai joui sans entrave et fait l’amour sans capote.
  • Je suis passée de Pif gadget au magazine Actuel.
  • J’ai surfé sur L’écume des jours, vu Le monde selon Garp sans craindre Cent ans de solitude.
  • J’ai tellement aimé la nuit « Because the night belongs to lovers, because the night belongs to us ».
  • J’ai visité New-York avec Travis Brickle (You’re talking to me?), aimé la boxe avec Rocky, espéré faire des rencontres du 3 ème type, pris le télésiège avec Jean-Claude Dusse et j’aurais toujours peur de prendre un bain de minuit.
  • J’ai fait du stop, pris des trains de nuit et, bac en poche, mon premier avion pour les États-Unis.
  • J’ai trouvé du boulot hyper facilement. Et re-trouvé du boulot hyper facilement.
  • Je suis la seule femme de ma famille à ne pas avoir divorcé (grand-mère, mère, tantes). En fait ce n’est pas complètement vrai. J’ai divorcé de mon mari mais je me suis re-mariée avec, alors ça ne compte pas.
  • J’ai bu du gin tonic, du Malibu et beaucoup ricané en fin de soirées dans des volutes de fumée.
  • Ma fleur préférée fut la rose (oui, j’ai même été de gauche.)

Être une enfant de 68.

L’idée n’est pas de dire: « c’était mieux avant ». Je sais que la nostalgie a teinté mes souvenirs. Mais je pense vraiment avoir eu beaucoup de chance de grandir, mûrir dans ces années-là. D’être une enfant de 68 et d’en apprécier l’héritage.

L’éclectisme de mes influences a construit celui de mes goûts. J’ai le sentiment d’avoir développé une certaine liberté de penser et une culture de la tolérance. Je me sens une hédoniste, parfois pessimiste, qui aime se penser toujours un peu rebelle.

En m’inspirant d’une phrase de Cioran, je peux quasi affirmer : tout ce que je sais (je suis) à 56 ans, je le savais (l’étais) déjà à 20…. 36 ans d’un long travail de vérification.

Et si ma génération a vraiment lancé un pavé, c’est celui dans la mare du vieillissement dont on a dynamité les codes.

Alors…

 

 

 

 

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13 commentaires

  1. nadia a dit :

    génial la photo de fin d’article , le reste aussi …
    le constat que tu fais est juste même si nous n’avons pas tous eu la chance d’avoir eu une enfance protégée, on a eu celle de grandir avec des possibles et des libertés qui n’existent plus. Certes, il y en a d’autres mais notre curiosité, notre ouverture d’esprit, nos capacités de raisonnement, d’opposition font de nous des êtres plus libres, des êtres pensants et du coup pas si vieux pas si cons …
    bise
    bon week end

    1. virginie a dit :

      Oui bien sûr, avoir une enfance protégée est la plus grande des chances

  2. Christine Collin a dit :

    juste magnifique .;et un peu comme moi

  3. Nous avons quelques années de plus, et nous étions trop jeunes pour participer activement à ces mouvements, mais nous étions concernées, bien sûr ! Tellement de choses ont changé, pour le meilleur, et pour le pire aussi…Heureusement nous avons profité et que nous profitons encore en tant que femmes de la liberté que nos mères n’ont pas connue, libérées de ce carcan social avec tant de contraintes !
    Nostalgiques pour Hotel California et les slows ! Il y a trois ou quatre ans, nous avons chanté « Because the night belongs to lovers, because the night belongs to us” avec Patti Smith sur scène…
    Bon weekend

    1. virginie a dit :

      Patti Smith est notre icône!

  4. MarieG a dit :

    J’avais exactement 10 ans en mai 68, je faisais ma première (et presque dernière…) communion), je vivais déjà en Suisse et je me souviens vraiment très bien de cette période – nous suivions les événements français à la TV et ça bougeait assez sec également en Suisse, surtout dans les milieux culturels et estudiantins. Toute une génération de cinéastes ont émergé à cette occasion, issus principalement de la télévision.
    Intuitivement, du haut de mes 10 ans, j’ai aimé cette période. Ensuite, en classe, on a lu avec nos profs « Libres enfants de Summerhill », « L’herbe bleue », on a commencé à organisé les semaines à la montagne nous-mêmes – et ça marchait. Je fréquentais un petit collège dans une bourgade, ça a peut-être aidé. Avec le recul je me demande si nos profs n’étaient finalement pas aussi contents que nous, voire peut-être davantage, de sortir du cadre étroit dans lequel ils avaient été confinés.
    Notre prof de sciences a créé un cours d’éducation sexuelle, 2 heures par semaine pendant 3 mois. Il l’a présenté à nos parents, à la direction de l’école, et c’était magnifique de sensibilité, de pudeur et de découverte. Son cours avait été ensuite repris par d’autres classes de la région.
    Ensuite, nous avons eu la pilule, l’union libre, l’avortement, la démocratisation des études, etc, etc… je suis vraiment reconnaissante d’avoir pu vivre tout çà, bien que sur le moment j’avais le sentiment que c’était normal, sauf l’égalité femme-homme.
    Maintenant, j’exhorte souvent des jeunes femmes à faire attention à leurs droits parce qu’il me semble que les démons de l’inégalité sont tapis dans l’ombre, prêts à les manger et qu’elles ne sont pas assez attentives à se faire respecter.
    Faites de beaux rêves.

    1. virginie a dit :

      Tout à fait d’accord avec toi, les femmes doivent rester très vigilantes

  5. 8 ans en 68, j’ai rêvé de vivre et jouir sans entraves, et ai presque réussi…
    A 12 ans je voulais vivre en communauté en Provence, à plus de 50 ans j ai quitté paris pour la provence, je fais ce que Je veux, j’aime ça… j ai presque réalisé mon rêve d ado…
    j ai le sentiment d’avoir été d une génération bénie des dieux et je rêve que les générations futures soient aussi libres et heureuses que nous l avons été… je crois en eux…

    1. virginie a dit :

      Moi aussi je crois en eux ms je trouve le monde tellement plus dur

  6. Marie christine a dit :

    j’avais 12 ans en mai 68 je me retrouve complètement dans ton texte. On a eu beaucoup de chance de bénéficier de ce vent de liberté.
    Bises Virginie

    1. virginie a dit :

      Bises et bonne semaine

  7. florence a dit :

    J’avais cinq ans en mai 68 et même si ma génération a connu les horreurs du SIDA et la perte d’amis à tout jamais dans mon coeur, je crois que nous avons profité d’une grande liberté et d’une tout aussi grande légèreté. Et même si nous étions des « bombes humaines », le féminisme et Madame Weil étaient passés par là, nous permettant de vivre notre féminité et d’avoir la possibilité de faire des choix.
    Merci Virginie pour ce très beau texte auquel j’adhère totalement.

  8. J’ai le meme age que toi et dans les annees 80, j’enviais ceux qui avaient 20 ans dans les années 60 car elles me semblaient plus insouciantes, pour moi, j’ai eu du mal à trouver du travail et il y a eu la crise, mais quand meme nous étions idéalistes et on profitait sans s’inquiéter , maintenant on essaie de faire rentrer les gens dans un moule santé, sport, bouffe bio, etc… pas trop gras, pas trop salé, pas trop sucré…l’ambiance etait plus lègère avant et pourtant on pratiquait pas le binge drinking comme maintenant et meme si c’aurait été cool d’avoir un portable pour appeller mon copain , au moins on passait pas sa journée sur internet! Bref, suis pas loin de penser comme Sardou  » le monde ou tu vas mon fils, je le hais… »

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